John Woloschuk rencontre Dee Long fin 1972. Les deux hommes écrivent des chansons et jouent dans des petits groupes depuis quelque temps. Ils commencent à travailler ensemble au début de l'année 1973, lorsque Woloschuk entre en contact avec le producteur Terry Brown, pour un poste d'ingénieur du son que jamais il ne décrochera. Le nom de leur groupe, « Klaatu », est tiré du film de science-fiction Le Jour où la Terre s'arrêta (1951), premier indice d'une fascination interstellaire qui sera une constante dans leur musique. Le duo enregistre deux singles en 1973, Hanus of Uranus et Dr. Marvello, avec des musiciens de studio derrière la batterie. Ce n'est que début 1974 qu'ils sont rejoints par Terry Draper, un ami de longue date de Woloschuk. La même année, ils décrochent un contrat avec Daffodil Records et commencent à être distribués aux États-Unis (d'abord par Island, puis par Capitol).
Après plus de deux ans et demi de travail (pas à plein temps : les trois musiciens ont des boulots à côté), le premier album de Klaatu, 3:47 EST (encore une référence au Jour où la Terre s'arrêta) sort en août 1976. Il contient leur plus gros succès, Calling Occupants of Interplanetary Craft, une petite perle de pop psychédélo-progressive qui sera reprise par les Carpenters (les Carpenters !!) l'année suivante. Le reste de l'album trahit des influences diverses, des Beach Boys (la bien nommée California Jam) au music-hall so British (l'amusante Sir Bodsworth Rugglesby III) aux Beatles (Sub Rosa Subway semble venir tout droit de 1967).

Le groupe entretient à dessein une certaine discrétion : les noms des musiciens n'apparaissent nulle part sur la pochette, pas plus que leurs photos, toutes les chansons (et la production) sont simplement créditées à « Klaatu ». Le mystère plane... et il suffit d'un article dans un journal de Providence, début 1977, pour que le bruit commence à courir : les Beatles se sont reformés incognito et ont enregistré un album sous le nom de « Klaatu » ! (Suit généralement une liste d'indices tous plus tirés par les cheveux les uns que les autres.) Capitol ne cesse d'émettre des démentis, mais on n'arrête pas une rumeur aussi facilement. Et le trio, qu'en pense-t-il ? Pas grand-chose : il est occupé à enregistrer son deuxième album, entre Londres et Toronto. (En fait, grâce à la rumeur, le groupe bénéficiera d'un peu plus de temps pour boucler l'enregistrement.)
Contrairement à son prédecesseur, Hope est bâti autour d'un concept : une civilisation anéantie dont ne subsiste plus qu'un unique survivant dans son phare, perdu sur un astéroïde à la dérive dans le cosmos... Qui dit concept dit progue, et les chansons sont effectivement plus longues, plus complexes (des souvenirs d'ELO première période viennent à l'esprit), plus travaillées (ce n'est pas un hasard si Terry Brown a aussi travaillé avec Rush) et parlent de gardiens de phare (coucou Peter Hammill !). C'est l'album le plus clairement dominé par Woloschuk, qui écrit presque toutes les chansons. (Une version alternative de Hope, où apparaissent plus nettement les contributions du London Symphonic Orchestra, est parue en 2005 dans le coffret Sun Set.)

La balance est rétablie l'année suivante avec Sir Army Suit : Woloschuk, épuisé, laisse davantage le champ libre à Dee Long et Terry Draper. C'est un album beaucoup plus léger que son prédécesseur, sans concept et avec une ambiance générale nettement moins pesante : juste de la pop de qualité, toujours avec un fort goût de Beatles (plusieurs chansons sont issues de démos des débuts du groupe) et un léger vernis de science-fiction. On y trouvera même une incursion (de goût) dans le disco avec Juicy Lucy. Au même moment, un projet de téléfilm d'animation fondé sur les chansons de Klaatu est en travaux, mais il ne portera jamais ses fruits, et seule la séquence A Routine Day voit le jour, dans un style évoquant assez Yellow Submarine.

Trois albums, le contrat avec Capitol est rempli, mais Klaatu est dans le rouge : le boost lié à la rumeur Beatles n'a duré qu'un temps, et le groupe est depuis retombé dans l'anonymat. Pieds et poings liés, le trio doit se plier aux exigences du label et partir enregistrer en Californie avec un nouveau producteur, Christopher Bond, qui a notamment travaillé avec Hall & Oates. La plupart des chansons du quatrième album, Endangered Species (un titre pas choisi au hasard...), sont en fait réalisées avec des musiciens de studio, l'apport des membres de Klaatu étant limité au chant et à quelques instruments. Malgré cette volonté de rendre le groupe plus commercial (pour la première fois, noms et photos apparaissent sur la pochette), le disque ne se vend pas mieux que ses prédécesseurs et Capitol jette l'éponge.

Klaatu rentre à Toronto (« it feels so good to be back at home ») pour son cinquième et dernier album, Magentalane (Abbeyroad ?), qui ne sortira même pas aux États-Unis. Le trio se retrouve à nouveau seul aux commandes, et si l'on y retrouve la patte Klaatu, tristement absente du précédent, le cœur n'y est plus vraiment : c'est une livraison très mélancolique qui s'offre ici à l'auditeur (Maybe I'll Move to Mars). Après une tournée au Canada — c'est la première fois que le groupe monte sur scène ! — en première partie de Prism, les trois musiciens se séparent en août 1982.

Dee Long se reconvertit dans la production, parfois en collaboration avec Terry Draper, quand ce dernier en trouve le temps, entre son boulot de charpentier et le bar qu'il tient dans l'Ontario. Quant à John Woloschuk, il a pris sa retraite musicale pour se consacrer à la comptabilité. Le trio s'est réuni à deux occasions : en 1988 pour un single, Woman, écrit pour la série télévisée allemande Tatort (un simili-Inspecteur Derrick) et donc uniquement sorti en Allemagne de l'Ouest, puis en 2005 à l'occasion d'une réunion de fans à Toronto — le groupe ayant su s'attirer, malgré sa carrière brève et ponctuée de rares succès, une cohorte d'admirateurs fidèles et passionnés. Ils ont lancé leur propre label, Klaatune Records, et travaillent actuellement sur le remastering de leur catalogue. Les deux premiers, 3:47 EST et Hope, sont d'ores et déjà parus.
http://www.klaatu.org/, une mine d'infos
http://www.klaatutheband.com/, le site officiel