Un peu d'histoire ...
En 1979, les médias et le monde branché des rockers nous inonde d'une nouvelle vague de groupes français : Edith Nylon, Taxi Girl, Suicide Roméo, Modern Guy, Artefact, Minuit Boulevard, 12°5, Lili Drop, ou encore Marquis de Sade. Mais personne ne parle de La Souris Déglinguée, un gang de banlieusards qui pourtant profite d'une certaine notoriété dans le milieu punk rock alternatif avant l'heure ! En répondant présent à chaque sortie de disque ainsi qu'à chaque concert, voici la grande histoire d'une Putain de Zone.
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De 1973 à 1975, Taï Luc, qui habite à côté du terrain d'aviation militaire de Vélizy-Villacoublay, est en classe au Lycée Hoche de Versailles, celui où Boris Vian fut étudiant. Sur les bancs de sa classe il se fait des camarades, dont Jean-Pierre Triquet et Jean-Pierre Mijouin. Ils passent la plupart du temps ensemble à écouter de la musique. Jean-Pierre Triquet, qui un frère ainé qui achète des disques, leur fait découvrir le Blues au travers de John Lee Hooker, Muddy Waters, mais aussi des trucs plus rythmés avec les premiers disques des Rolling Stones ou encore Canned Heat. Jean-Pierre Triquet à l'harmonica, déjà marqué par cette musique, influencera et éduquera Jean-Pierre Mijouin à la guitare. En effet, avec Taï Luc, tous les trois forment les prémices de La Souris Déglinguée, nom qu'ils écrivent une première fois sur la buée d'une fenêtre d'un café en délirant autour des lettres LSD. Ils ont très peu de matériel, mais cela n'est pas grave, ils s'amusent comme des fous. Dans les moments plus calmes, ils lisent les articles de Yvan Adrien dans Rock & Folk et de Patrick Eudeline dans Best. Ils sortent pour aller voir des concerts et sont fortement marqués une première fois par le gig de Docteur Feelgood (avec en première partie Little Bob Story) au Bataclan à Paris en 1974. Pendant les vacances scolaires, Taï Luc s'expatrie souvent à Londres chez des amis jamaïquains. Là bas il écoute de tout, et plus particulièrement le MC5 ou les New York Dolls. De retour chez lui, Taï Luc retrouve ses amis. Le cercle s'agrandit puisque Xavier Verken s'amuse à la batterie (aujourd'hui il joue aux Percussions de Strasbourg), tandis que Philippe Tardet devient leur premier manager. Les sorties nocturnes se suivent et se ressemblent, sauf un soir du mois de mai 1976, Taï Luc prend une claque en voyant le concert de Crazy Cavan au Théatre de la Renaissance à Paris. Le côté rock'n'roll puriste l'emballe complètement. A cette époque, les répétitions qui se passent dans la chambre de Taï Luc, sont empreintes de vieux rocks de Eddie Cochran, Carl Perkins.... Sylvain Fabre, un ami de plus, participe comme chanteur de La Souris Déglinguée, mais il est vite mis à l'écart pour causes de passions et d'envies de voyages trop envahissantes !!! Les premiers "concerts" sont donnés chez les parents de Jean-Pierre Triquet, ce qui entraîne quelques problèmes de voisinage divers. Les temps sont difficiles en cette fin d'année 1976. Les quelques premières divergences font éclater le groupe, et Jean-Pierre Triquet quitte Versailles pour aller à Orléans. Ses goûts étaient trop marqués de rythm'n'blues par rapport à ceux rock'n'roll du reste de La Souris Déglinguée. A Orléans, il ne perd pas de temps,et rencontre des amis musiciens. Après quelques temps de répétitions, les Civils-Radio (ex-Important) naissent pour enflammer la scène orléanaise. Jean-Pierre est toujours à l'harmonica, avec Camille au chant, Gérard à la basse, et Gégéne à la batterie, le tout sous l'influence de Dr Feelgood - Undertones chauffés à blanc. Ils iront jusqu'à faire une tournée française en première partie des Fleshtones en 1984, après avoir sorti un album "404" (Romance 28002) mixé par Jean-William Thoury de Bijou, et deux 45ts : un autoproduit avec "jusqu'à minuit" et un promo avec "404". Les Civils-Radio sont encore à l'honneur sur la compilation "Romance 13", avec le titre inédit "la haine", aux côtés des Coronados, Doc Lebrun, Hot Pants (futurs Mano Negra avec ici la première version de "Mala Vida") et bien d'autres. Le groupe se disperse deux ans plus tard, Jean-Pierre Triquet nous quitte, lui, un soir de mars 1987 !
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Mais revenons en ce début 1977 à Versailles, avec Taï Luc et Jean-Pierre Mijouin qui se trouvent dans un moment de flottement. En mars, à Pâques, nos deux compères traversent la Manche et montent à Londres en plein effervescence musicale. Un soir ils se rendent au Nashville Rooms pour aller voir 999 et Jam. Rien que le temps de 999, c'est la grande claque, et au bout d'un quart d'heure de Jam, ils ressortent complètement abasourdis. C'est le déclic, dès leur retour ils décident de jouer à tout prix, dès que l'occasion s'en présentera. Taï Luc (chant et guitare) et Jean-Pierre Mijouin (guitare) répètent avec deux amis, Rico (basse) et Michel Romagnoli (batterie). La fin 1977 et l'année 1978 sont donc occupées par les répétitions et l'occasion de voir beaucoup de concerts, notamment au Golf Drouot. C'est en ces lieux que Taï Luc propose à Henri Leproux, le directeur, de faire jouer son groupe : La Souris Déglinguée. Taï Luc acquiert la confiance de celui-ci et La Souris Déglinguée passe sur le tremplin en décembre. Tremplin qu'ils ne gagneront pas, mais ce n'est pas grave, nos compères étaient là juste pour monter sur scène, pour jouer, pour vomir leurs sensations et leurs influences très diverses : Sham 69, Vince Taylor, Clash, MC5, Edith Piaf, Shadows, Slade, Eddie Cochran, Ramones, Black Flag, Asphalt Jungle, Avengers, Dils... Quels souvenirs !
Peu de temps après, début 1979, Michel Romagnoli est viré du groupe, car le rock'n'roll n'est pas vraiment sa tasse de thé. Le problème de La Souris est qu'il leur faut absolument trouver un nouveau batteur, et cette fois-ci, un qui reste. Taï Luc et Jean-Pierre vont déposer une petite annonce à Star Music, en espérant dégotter un batteur qui frappe comme Bobby Clarke. Après l'essai de plusieurs, dont certains jouent même pieds nus, Jean-Claude pointe le bout de son nez. Celui-ci a joué dans un autre petit groupe, les Rocking' Lou, très twist-rock, qui ont sorti un 45t avec la reprise "wake up little suzie" des Everly Brothers. Taï Luc et Jean-Pierre Mijouin , en garçons hypocrites, repèrent rapidement, pour l'occasion, que Jean-Claude a une voiture. Quelle aubaine, celui-ci pourra même trimballer sa batterie, instrument très encombrant. Les rendez-vous est pris pour la prochaine répétition. Taï Luc (chant et guitare), Jean-Pierre Mijouin (guitare) et Rikko (basse), cachent ce qu'ils désirent vraiment jouer à Jean-Claude Dubois (batterie), en reprenant du blues et du rock'n'roll à la Chuck Berry. Tout va bien. Mais deux jours plus tard, Taï Luc et les siens lui font voir la vraie face de La Souris Déglinguée, il y a bien sûr des titres typés rock'n'roll, mais il y a aussi leurs premières compositions personnelles, comme "que vont-ils devenir ?", ou "planète Marx" (qui deviendra "banlieue rouge"), des morceaux qui sonnent plus punk que rock'n'roll. Jean-Claude décide de rester tout de même, et c'est tous les quatre qu'ils donnent un premier concert en banlieue parisienne, à Sarcelles, au forum des Cholettes, devant un parterre de copains venus du Gibus Club et du Golf Drouot. La Souris se produit ensuite pour un concert (interdit) dans un lycée non loin de la place Clichy, avec un autre groupe punk parisien, Gare Du Stade (les futurs Ici-Paris, puis le Baron et Houlala). Ils se connaissent bien, puisqu'ils partagent à l'époque (printemps 1979) les mêmes locaux de répétitions, avec également le combo niçois Mistral (futurs Ménage A Trois). La Souris déménagera de studio en fin d'année, pour aller au Quai De La Gare, là où répète le tout nouveau groupe Indochine. Il est temps maintenant pour eux d'attaquer les galas en province, et ce, par la connection Jean-Pierre Triquet à Orléans, qui connaît un copain organisateur de concerts, dénommé Dominique Revert. Celui-ci, emballé par l'écoute d'une cassette demo, est d'accord pour leur permettre d'assurer la première partie de Bijou à Orléans au mois d'avril. Ce sera là leur premier vrai concert ! Quinze jours plus tard, ils jouent à Lusseaux, cette fois-ci en première partie de Starshooter. A chaque fois ils sont bien acceuillis par le public avide de découvrir la nouvelle scène française. D'ailleurs, l'été s'annonce chaud, les festivals pullulent aux quatre coins de la France. Encore une fois, c'est Orléans qui se fait montrer du doigt. Dominique Revert n'a pas oublié le bon set de La Souris Déglinguée deux mois plus tôt, c'est ainsi qu'il les rappelle pour sa programmation du festival Rock Orléans 79 à la patinoire. Peut être pour les décider plus facilement, il les avertit que Sham 69 sera de la fête. Ceux-ci ne viendront pas, mais La Souris par contre sera présente, pour le meilleur et pour la galère, car venus dès le vendredi soir pour la balance, les amplis qu'ils laissent sur place, auront disparus le lendemain matin ! La nuit du samedi au dimanche est très longue, les groupes se suivent et Taï Luc et ses camarades s'impatientent. Avec la complicité de tous leurs amis, ils prennent d'assaut la scène à quatre heures du matin, juste après les Stinky Toys, et avant le Good Time Charley Band et Little Bob Story, la nuit finissant fort tard avec les Dogs. Il va sans dire que La Souris fait un tabac, les fans nés de leur premier passage, deux mois auparavant, plus tous leurs copains, leur offrent une ambiance délirante. La Souris hurle dans ses compositions contre le racisme, les flics, les beaufs, tout en n'oubliant pas de ponctuer leur gig de quelques reprises, dont ce "blue suede shoes" de Carl Perkins que Jean-Claude adore ! Ou encore "let's get together" d'Eddie Cochran. Le public orléanais sera marqué à jamais par ces passages explosifs.
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De retour à Paris, La Souris Déglinguée se produit souvent au Gibus et va régulièrement chanter dans les squatts. Leur audience grossit de jour en jour, mais malheureusement, Jean-Pierre Mijouin doit partir à l'armée en cet automne 1979. Hervé Philippe, leur copain manager, a alors peur pour l'avenir du groupe. Aussi il décide de casser sa tirelire pour éditer un 45ts qui laisserait au moins une trace de La Souris Déglinguée. Sitôt dit, sitôt fait. Le 1er octobre 1979, le simple "garçon moderne" / "haine haine haine" sort sur le label occasionnel Merjithur à 500 exemplaires, avec une pochette blanche sur laquelle est inscrit au tampon rouge : La Souris Déglinguée. Autant dire qu'aujourd'hui, ces copies sont très difficiles à se procurer, car détenues par les plus fans des fans. Plus tard, Radio 7, à Paris, programme assez souvent ce 45ts. Comme La Souris doit absolument jouer pour faire preuve de son existence, c'est Jean-Pierre Triquet qui, durant l'absence de l'autre Jean-Pierre, vient souffler dans son harmonica, si bien que des titres comme "jeunes voleurs", "Jaurès-Stalingrad", "quand je m'emmerde" ou "week end sauvage", bénéficient d'une coloration blues. C'est également à cette époque que Olivier Claisse, le barman du Rose Bonbon à Paris, devient leur ami photographe attitré. C'est lui qui dorénavant fournira la plupart des clichés pour les futures pochettes de disques de La Souris Déglinguée.

L'absence de Jean-Pierre Mijouin n'empêche pas La Souris de parcourir de plus en plus la France et de faire une première partie remarquée des Fanatics au festival de Bourges en avril 1980. Ils interprètent déjà des titres comme "Marie-France" et "Salue les copains", qui ne seront enregistrés que bien plus tard. A la rentrée, en septembre 1980, le groupe reprend sa formation habituelle ; Jean-Pierre Triquet retourne jouer avec ses copains orléanais, tandis que Jean-Pierre Mijouin réintègre La Souris aux côtés de Rico, Jean-Claude et Taï Luc. Ils sont de nouveau prêts à nous éclater la tête avec leur rockn'n'roll mélangeant les rythmes de Gene Vincent et Bill Haley avec une dose de folie punkoïde. Dans leurs concerts de cette fin d'année, La Souris ajoute du reggae et du ska à son répertoire et leurs chansons "Gretel Kemeny", "Yasmina (petite arabe)", "Haine, haine, haine", "week end sauvage" ou "jeunes voleurs", ont pour toile de fond la vie sociale de tous les jours, pris sur un tempo fou.
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Enfin le premier grand rendez-vous parisien est attendu pour le 7 janvier 1981 à l'Opéra Night. Plus de 500 copains de Paris et de banlieue se sont donnés rendez-vous pour cette soirée endiablée. Tout commence fort bien, leur public connaissant par coeur les paroles de leurs compositions, en effet, même s'il n'existe rien sur vinyl, à part le simple, les fans ont tous la cassette des premiers titres, ainsi que les reprises qu'ils interprètent pour la dernière fois ce soir, comme ce "Folsom Prison Blues" de Johnny Cash, car dorénavant ils ne joueront que leurs propres morceaux. Mais le gig se solde par une bagarre générale, et les médias toujours à l'affût du scandale en profitent immédiatement pour montrer du doigt La Souris Déglinguée, soit disant fauteurs de troubles et porte-drapeaux de jeunes gens à caractère plutôt "nationaliste fascisant" !!! Par cette publicité inattendue et aberrante à la fois, La Souris Déglinguée est dès les semaines suivantes, connue dans le monde entier : la France. Pour la petite histoire, ils donneront un concert quinze jours plus tard à la Mairie du 19ème arrondissement de Paris, au dessus de la salle des képis, cette fois-ci sans problème, mais là, les médias sont absents !!! Pas grave, Taï Luc remerciera tous les copains venus voir La Souris Déglinguée. Salut la Nation.

Le groupe est de plus en plus demandé, et les 27 et 28 mars 1981, il est dans le sud de la France pour les festival Toulouse On The Rocks. Tout est prévu, même les nouvelles stars françaises du moment, comme les parisiens de Diésel au milieu des Stilettos (de José Ruiz), Lili Drop, Little Bob Story et bien sûr La Souris Déglinguée. Devinez qui fait le carton de la soirée devant 5000 personnes ? LSD bien sûr ! Mais les temps sont difficiles à Paris, et La Souris, plus ou moins interdite, arrive tout de même à se produire en première partie des irlandais Stiff Little Fingers, en cette fin d'année 1981. Taï Luc n'est pas là, pour cause de service militaire, lors de ce concert tumultueux, mais leur public est lui toujours présent. Coïncidence amusante qui marque néanmoins la parution de leur deuxième rondelle vinylique en décembre. Cette fois-ci il s'agit d'un album édité sur le nouveau label du magasin parisien New Rose, grâce à un copain, Denis Wolf, qui leur a fortement conseillé de signer avec cette compagnie. La pochette est plus noire que blanche. La photo du recto est un éloge aux fans qui bombent le nom de leur combo préféré sur le dos de leur blouson, ici La Souris Déglinguée. Au verso, on découvre le groupe au complet, dans la pénombre, avec les titres inscrits en tout petit, en haut de la pochette. Sur l'encart intérieur, les paroles sont imprimées afin de reprendre tous en choeurs chaque refrain appris par coeur. L'album raconte la vie de cette "putain de zone" dont Taï Luc est tombé amoureux. On retrouve avec joie cette chanson interprétée depuis leurs débuts, "petite arabe" rebaptisée en "Yasmina P.A". Le morceau "jeunes voleurs" mis en boîte en même temps que le 33T, est commercialisé quelques mois plus tard sur la compilation "New Rose 14 titres 7 inédits". La Souris figure ici aux cotés des Saints, Warum Joe, Gun Club... Mais n'ayez pas d'inquiétude car la version compact du premier album, rééditée en 1988, contient ce morceau fort ravageur, et pourtant enregistré sur seulement deux pistes à l'époque.
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Le public attend de nouveau La Souris sur scène, depuis le début de l'année la formation répète dans une cave du Boulevard Sébastopol, aux côtés de Corazon Rebelde, et c'est le 29 janvier 1982 qu'ils font leur grand retour dans la capitale aux côtés d'Oberkampf. Le concert prévu au Bataclan est reporté à la Mutualité par manque de places, leurs fans étant de plus en plus nombreux. Un an après les méfaits de l'Opéra Night, les médias n'ayant pas arrêté leur travail de sape, une partie du public s'est donné rendez-vous pour carrément foutre le bordel, ce qui occasionne malheureusement quelques turbulences. Mais le concert se déroule tout de même normalement et le combo est enfin prêt pour sa première tournée française d'avril 1982. La Souris Déglinguée a vraiment le vent en poupe, les lecteurs de Best les ont plébiscité dans les meilleurs groupes espoirs de l'année 1981. Taï Luc et les siens préparent un second album sur Kuklos, un nouveau label fondé par le chanteur de variétés Daniel Guichard. De toutes façons, les grosses compagnies auraient été trop lentes pour sortir rapidement leurs nouveaux morceaux, et de plus, la formation traîne, malheureusement, une certaine réputation. C'est donc un mini-album 6 titres "une cause à rallier", qui est mis en vente, même dans les grandes surfaces, en juin 1982. La pochette est luxueuse puisqu'elle s'ouvre avec une magnifique photographie de mômes pleins de vie. Par contre La Souris Déglinguée apparaît figée derrière un grillage, symbolisant tout un climat. "La Varsovienne", chant révolutionnaire russe, est ici revu par La Souris. Les cinq autres morceaux parlent de la jeunesse, des filles, de la banlieue et de la France où l'on vit. Mais la promotion reste faible et le fait assez nouveau de trouver un album de la Souris perdu au milieu de la grosse cavalerie dans son supermarché n'apporte pas un plus flagrant. Les fans l'auront tout de même acheté car ils ne manquent aucun titre de leur groupe préféré. Ils s'offrent même le 45t extrait de ce mini 33t, qui reprend "Varsovienne" et "une fille dans la rue", avec la même pochette recto, sauf pour l'échantillon promotionnel qui bénéficie d'un dessin. C'est une jolie pièce à se procurer pour les fanatiques.
Après les vacances 1982, La Souris Déglinguée réapparaît en concert, mais souvent sans Taï Luc. C'est Marco au chant, du groupe ami parisien Wunderbach, qui rejoint La Souris pour un concert mémorable à Pontoise. Début octobre, Taï Luc arrive tout de même à s'échapper de la caserne, le temps d'enregistrer une interview avec ses compères pour l'émission télévisée d'Antenne 2 Les Enfants Du Rock d'Antoine Decaunes, qui est diffusée le 4 novembre 1982, avec le passage de l'instrumental "sortie de garage" (à la "wipe out" déglinguée) et "que vont-ils devenir ?" enregistrés lors du concert du 7 octobre, en première partie de Gun Club au Palace à Paris.

La Souris répète même carrément sur scène cette fois-là, puisqu'ils refont trois fois "une fille dans la rue". A la fin de l'année, Taï Luc finit son temps de bons et loyaux services qu'il n'aura pas trop mal digéré, malgré l'absence de filles dans le train de retour à la caserne ! A peine libéré, il décide de prendre des vacances avec une camarade. Il ne sera de retour en France qu'en mars 1983. En août, pendant que vous et moi sommes en vacances, La Souris Déglinguée rentre aux studios Garage à Paris, afin de préparer son nouvel album. Fait nouveau : le groupe s'est agrandit d'une personne avec le saxophoniste Michel De Donaneschingen. Mais il a dû payer cher cette entrée, Michel a dû "donner" sa soeur Sylvie (titre de l'une des chansons de la formation Rennaise Marc Seberg), qui vient de quitter la ville de Rennes et Philippe Pascal (chanteur de Marquis De Sade), au frère du photographe de La Souris, Olivier Claisse ! Michel arrive bien évidemment de Rennes également, celui-ci répète souvent avec Philippe Herpin, le saxo de Marquis De Sade. Mais il se souvient surtout de ses vacances à Lorient chez ses parents, où ils jouaient pendant des heures avec Philippe Pascal au piano, chantant dans un style proche de Bauhaus. Après toutes ces étapes, Michel intègre La Souris Déglinguée, qui grave son nouvel album "aujourd'hui et demain" sur un nouveau label. En effet, les ventes chez Kuklos ne se sont pas révélées à la hauteur des espérances pressenties. C'est donc chez Celluloid que La Souris Déglinguée nous présente quinze titres vivifiants dans une pochette pour la première fois en couleur, avec une photo de Pierre-René Worms, présentant au recto Taï Luc, Jean-Pierre Mijouin, Rikko et Jean-Claude. Michel n'est pas en photo, mais est cité au verso, ainsi que Jean-Pierre "Civils Radio" Triquet à la Heineken et à l'harmonica ! Sur le morceau "Marie France", c'est Marie Alcaraz qui prend place au chant, quel plaisir de retrouver la chanteuse d'Ici Paris avec sa petite voie si excitante ! Les filles sont à l'honneur, car c'est Eliane de Nancy qui interprète "Lili Marleen" (Mona Soyok de Kas Product -avec qui La Souris Déglinguée sont amis- avait été pressentie, mais elle refusa au dernier moment. De son côté, Philippe Constantin des Editions Clouseau aurait bien vu Catherine Ringer des Rita Mitsouko, alors pratiquement inconnus en cette fin 1983). "Aujourd'hui et demain" se vend fort bien, et ces même Editions Clouseau aimeraient voir leur reprise de "Lili Marleen" paraître sous forme de 45t afin de devenir un tube. La mode bat son plein avec "tu verras, tu verras" par les Ablettes, d'après le hit de Claude Nougaro, mais les membres de La Souris refusent d'office ce projet. Ils préfèrent une composition personnelle. Le résultat est là, il n'y aura aucun simple d'édité. Dommage car la chanson "Marie France" passe bien sur Europe 1. La tournée française qui va de Pontarlier à Bordeaux, en passant par Montpellier, débutée en même temps que la sortie de l'album, se déroule fort bien, car le public qui se déplace, ne vient pas par hasard, mais par connaissance de tous les titres, sauf pour les nouveaux morceaux comme "Dernier pogo à Paris" ou "Maximum swing". A défaut de faire la couverture de Best ou de Rock'N'Folk, la Souris fait celle du N°21 de novembre 1983 du meilleur des fanzines de l'époque On N'Est Pas Des Sauvages. La tournée se termine en apothéose avec le retour de la Souris à Paris au théâtre du Forum des Halles tandis que les vinyls addicts se procurent en cette fin d'année la compilation "WW" où apparaît l'inédit "as tu déjà oublié", aux côtés des chansons de Oberkampf, des Goulues, Strahler, Ausweis...
Puis le 29 février 1984, La Souris Déglinguée donne un concert mémorable à Lyon au West Side. Cela faisait quatre ans qu'ils n'étaient pas venus, imaginez le délire ! Les parisiens retrouvent le groupe à l'Eldorado pour un spectacle organisé par le label WW le 31 mars et plus tard en juillet dans une casse de voitures (décors particulier) en banlieue parisienne, à Aubervilliers. A cette occasion, leur ami du début, Sylvain Fabre, apparaît sur scène au coté des membres de La Souris, le temps de chanter "there she goes again", une reprise du Velvet Underground. Hervé Philippe, le manager qui a tendance à trop parler, raconte un peu partout que Taï Luc et lui pensent que ce serait bien sympathique de regrouper sur un album plusieurs morceaux du Velvet repris sur scène par divers groupes français. L'idée se promène tellement qu'elle aboutit par on ne sait quelle hasard, avec la compilation "les enfants du Velvet", parue en 1985, mais sans La Souris Déglinguée qui est priée de ne pas y participer ! C'est en octobre 1984 que le groupe rentre en studio d'enregistrement au Studio Garage, en vue de réaliser leur nouveau 33t "la cité des anges", qui sort un peu avant les fêtes de Noël, toujours sur Celluloid. C'est un mini-LP qui nous est présenté, avec sept titres dont "St sauveur" en versions chantée et instrumentale. La face A débute par le morceau phare "la cité des anges", qui donnera probablement des idées au "parking des anges" de Marc Lavoine ! Taxi Girl écoute également beaucoup cet album, qui les influencera pour faire "aussi belle qu'une balle". "Irina blues" est gravé ici, mais cette composition avait été mise en boîte à l'origine pour un projet de film slave qui n'a jamais été réalisé. Plus loin "soldats perdus" est joué sur un rythme très swing qui augure de nouveaux thèmes musicaux. Ensuite un titre lent "nostalgique" surprend au premier abord, car une ballade chez La Souris, ça n'arrive pas tous les quatre matins. Je pense que Renaud a dû lui aussi plus qu'écouter ce "nostalgique" pour la chanson "la mère à Titi". En 1985, La Souris fait peu parler d'elle si ce n'est que leur manager Hervé Philippe quitte ses camarades. A la fin de l'année, Taï Luc, de retour de Thaïlande, est de nouveau en studio avec ses copains pour enregistrer "aucun regret" pour le label Gougnaf Mouvement qui édite la compilation "les héros du peuple sont immortels" où se retrouvent OTH, les Thugs, Parabellum, les Rats, Porte-Mentaux... chacun offrant sa chanson. Nous sommes vite en 1986 où Vuillermet contacte La Souris Déglinguée pour l'enregistrement d'une télé destinée à faire voir le rock indépendant. L'émission sera diffusée bien plus tard, et en deux parties, avec La Souris, Bérurier Noir, Parabellum, Los Carayos, Pigalle... Puis c'est le rendez-vous manqué du samedi 12 avril 1986 pour le concert Rock A L'Usine à la Croix de Chavaux à Montreuil, avec La Souris Déglinguée en tête d'affiche, entourée de deux groupes, les Alice Lovers et les Satellites. Mais l'Usine ayant été murée la veille au soir, c'est la police que le public rencontre comme comité d'accueil, qui devient plutôt violent. Du coup, le concert est repoussé au 7 juin 1986, au Cirque d'Hiver. Le 21 juin, pour la fête de la musique, La Souris Déglinguée joue sur un camion, Place de la République à Paris, après quoi ils vont au Trocadéro donner un autre gig au milieu d'une multitude d'autres formations françaises. Durant l'été, alors que La Souris est en semi-vacances, Michel, le saxophoniste, donne un coup de main au groupe punk de Limoges, Raff, qui sort son 33t "six balles pour un colt", sur le label éphémère 77 Records.
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En septembre, La Souris Déglinguée quitte son local de répétition du Quai de la Gare, pour rentrer au studio Davout, Porte De Montreuil, afin d'enregistrer les titres de leur futur album. Et quelle surprise, encore une fois en fin d'année, le 33t "Eddy Jones" offre un recto de pochette assez inattendu. C'est un dessin, très propre, de Philippe Bertrand, où apparaît une souris, bon chic, bon genre, entouré dans un cadre blanc. Quelle classe ! Cela change des pochettes plutôt sombres auxquelles La Souris nous avait habitué. Demi-surprise également, lorsque l'on pose l'album sur sa platine, "Eddy Jones" est une chanson très jazzy et très amusante. Le titre suivant "kamikaze rock" est sûrement fait pour ne pas oublier les parties à 100 à l'heure. "La nuit sera blanche" est un hymne au temps. Plus vous vivez le jour longtemps, plus la nuit est blanche, quelle logique fantastique ! La Souris s'amuse vraiment aussi avec un ska "jamais jamais" et un morceau plutôt reggae "nouvelle aube", enfin, n'oublions pas le rockabilly-boppé-speedé de "dernière chance". Le dernier titre est, lui, un hymne supplémentaire à la jeunesse twistante du début des années 60, ou jeunesse tout court, comme sait si bien en traiter Taï Luc dans chaque album. Twist. C'est encore sur un nouveau label, Blue Silver, qui presse "Eddy Jones" et qui offre un 45T promotionnel sans pochette aux radios avec "la nuit sera blanche" et "en Indo-Chine". Petits veinards. Moins de chance pour la composition "an 2000", mise en boite pendant les séances d'enregistrement de l'album, mais qui n'est pas gravée. Puis La Souris est programmée dans la semaine du Rock au Rex en janvier 1987, avec Cyclope qui passe en première partie. Les autres soirées sont occupées par Blessed Virgins, les Ablettes, Jad Wio.... mais la nuit la plus folle et la plus remplie est celle avec La Souris Déglinguée, qui ne profite pourtant pas d'un soutien radio Top 50, comme le groupe Canada, qui, malgré l'entrée gratuite, ne fait pas vraiment recette ! Concert mémorable un mois plus tard, le 6 mars 1987, au Fahrenheit de la MJC d'Issy-Les-Moulineaux, où la salle est presque trop petite pour eux. Le 28 mars, La Souris se retrouve cette fois-ci dans une grande salle, puisqu'ils attérissent au zénith à Paris, avec OTH et Betty's Boob pour les états Généraux du Rock, devant un public de 3500 rockers.
Début avril, La Souris et tous les copains sont attristés par la mauvaise nouvelle : Jean-Pierre est parti sans nous dire adieu. Taï Luc et les autres se rendent à Orléans pour lui dire une dernière fois au revoir. Mais la vie doit continuer, et ceux qui avaient raté l'album "une cause à rallier", peuvent profiter de la réédition par Celluloid-Mélodie. La pochette, qui s'ouvrait à l'origine, devient simple, si bien que la photo des gamins a disparue. En octobre, La Souris Déglinguée repart en tournée à travers la France après la série de concerts donnée en juin avec un intermède aux Francopholies de La Rochelle le 13 juillet 1987. La fin de l'année reste calme puisque cette fois-ci, pas d'album prévu pour Noël ! La seule trace vinylique apparaît sur la compilation "mon grand frère est un rocker" en janvier 1988 sur la marque Boucherie Productions. Le titre choisi, "jeunes seigneurs", qui était sur le 33t "New Rose 14 titres, 7 inédits", épuisée, est ici remis à jour. La Souris figure au côté de douze autre groupes français : les Wampas, les Garçons Bouchers, Antoine des Dogs, Parabellum... La Souris participe ensuite avec OTH, Noir Désir, Porte Mentaux, Kent.... à une nouvelle semaine de Rock en France, qui amène tout ce petit monde dans huit villes, du 23 janvier au 6 février 1988. Tout se passe particulièrement bien jusqu'au mois de mars. La Souris signe chez Musidisc pour un 33t. Après avoir mis quelques titres en boite au Studio Parissign à Paris, Taï Luc, Jean-Pierre, Jean-Claude, Rikko et Michel s'envolent vers le Canada avec Noir Désir, OTH, les Garçons Bouchers, Gilles Tandy, Gamine, les Young Gods... Pour un festival à Montréal représentant le rock français. Les souvenirs s'entassent à vitesse grand V, car la ville offre une toute autre dimension et les rencontres se multiplient très rapidement. Quel voyage. En revenant, c'est un super 45t quatre titres, qui est édité en avant première de l'album, en juillet, juste pour les vacances. Il est même pressé en compact-disc single. Le morceau "quartier libre", est une sorte de funk-rock puissant avec un plus gros son qu'à l'habitude. "Camarades" est une vraie déjante, et "seul sur la muraille" un hit potentiel d'ailleurs diffusé sur la bande FM. L'album suit en septembre, c'est "quartier libre" qui donne son nom. "Camarades" et "le grand voyage" du EP, n'apparaissent pas ici, mais par contre, "an 2000", chanson qui avait été écartée du LP "Eddy Jones", apparaît ici. La pochette est une fois de plus luxueuse, photos couleur au recto. Elle s'ouvre sur d'autres photos et les textes des chansons. Pour la première fois, La Souris décide de graver une reprise : "caravan" de Duke Ellington. Entre-temps, Michel et Jean-Pierre Mijouin ont respectivement joué du saxo et de la guitare sur l'album du Géant Vert (ex-parolier de Parabellum) : Karbala 413, intitulé "du folk, de la rage et de la fureur", sur le label All Or Nothing, tout un programme. La Souris Déglinguée nous revient au grand complet en concert le 15 novembre 1988 à l'Elysée Montmartre à Paris. Au même programme que le combo anglais les Guana Batz, La Souris nous offre un set bourré d'énergie et les copains n'oublient pas de danser le bop ou encore un dernier pogo à Paris. Le projet d'un clip pour "Quartier Libre", qui avait été prévu, est tombé à l'eau. Dommage, car Taï Luc et les siens auraient certainement réalisé un film superbe, tant pis pour la télévision qui n'oublie que trop le rock. La Souris Déglinguée, en mars 1989, repart sur les routes de France, et rend visite à plusieurs villes. Le premier show a lieu non loin de Paris, en banlieue, à Champs-Sur-Marne,pour un concert qui accueille les Sheriff (un groupe de Montpellier) et plus de 1500 rockers. La Souris nous expédie un set joué à cent à l'heure, avec des titres du dernier album comme "quartier libre", "seul sur la muraille", sans oublier leurs anciens morceaux devenus des hymnes repris par le public. A Belfort ils sont fort agréablement accueillis par les frères Decamps de Ange, qui organisent le concert. La tournée se termine le 23 mai 1989 au Bataclan à Paris, pour leur 10ème anniversaire. C'est tout naturellement Dominique Revert, l'organisateur qui les avait fait venir au Rock Orléans 79, qui a tenu à monter cette grande fête qu'il leur avait promise pour un jour futur. Rendez-vous est pris pour l'enregistrement d'un album live à paraître en septembre. Mais La Souris Déglinguée ne s'arrête pas là puisqu'en juin, ils s'envoleront pour le sud de la Chine, à Nanning, où ils joueront avant de se produire les 19, 20 et 21 juin à Shangaï pour le festival International de la Chanson. La Souris a également d'autres projets de disques, car ils répètent deux nouveaux titres : "Paris - Montréal", qui résume leurs aventures américaines, et "Rangoon A Lhasa", dédié aux camarades tibétains à qui ils avaient fait connaître sur cassette le morceau "Khun Sa Blues". Les français n'oublient pas non plus La Souris Déglinguée, les deux groupes montpelliérains OTH et les Vierges incluant certaines de leurs chansons à leur répertoire depuis des années, OTH joue ainsi "week end sauvage", et les Vierges "aucun regret". Preuve s'il en est que La Souris Déglinguée bénéficie d'une notoriété restée constante depuis toujours, et appelée à durer puisque Taï Luc nous promet d'être présent avec ses copains pour l'An 2000. Une cause à rallier.
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discographie:
1981 : La Souris Déglinguée (New rose records)
1982 : Une Cause à Rallier (Kuklos records)
1983 : Aujourd'hui et demain (Celluloïd records)
1984 : La Cité des anges (Célluloïd records)
1986 : Eddy Jones (Blue Silver records)
1988 : Quartier Libre (Musidisc records)
1989 : Raya Fan Club Sélection 80-84(compilation) (Célluloïd records)
1991 : Banzaï ! (Musidisc records)
1993 : Ganeko Yoriko meets LSD in Paris (pressage japonais uniquement) (Teledisc/NTT)
1995 : Tambour et Soleil (Musidisc records)
1997 : Granadaamok (Musidisc records)
2002 : L.S.D. (Musidisc records)
2005 : Mekong (Last call records)
2009 : As-tu déjà oublié ? (Clandestines records)