Pour le collégien puis lycéen et enfin étudiant que j'étais, sans trop de pouvoir d'achat - en tous cas pas suffisant pour pouvoir jeter mon dévolu sur des disques que l'on ne trouvait de toutes façons pas dans les quelques boutiques du Mans qui en vendaient, et lorsque je les croisais par accident, ils m'étaient de toutes façons le plus souvent inaccessibles (je précise que je parle d'un temps très antérieur à la démocratisation d'internet) - la médiathèque offrait l'opportunité unique d'avoir accès à des œuvres déterminantes, via la lecture de revues ou d'ouvrages spécialisés (dont la plupart étaient d'ailleurs empruntés au même endroit), et de fil en aiguille (ou plus exactement de liner notes en liner notes) il était possible de naviguer au gré de discographies parfois complètes.
Chaque médiathèque se caractérise par les spécificités de son fond propre, celle du Mans avait, lorsque j'ai commencé à la fréquenter en 1988 (j'avais dix ans), l'immense avantage de proposer principalement trois supports, vinyle, cassette et CD. Le premier emprunt que j'ai fait (sur la carte d'abonnement de mon père) était "Disraeli Gears" de Cream, en CD, tandis que lui jetait son dévolu sur "Gems", compilation d'Aerosmith, "Genesis Live", "A Quiet Day In Spring" de Larry Coryell & Michael Urbaniak ainsi que - si ma mémoire ne me trompe pas - une bretonnerie chère à son cœur du genre Gilles Servat. L'idée de pouvoir emprunter gratuitement (enfin presque, au prix d'un abonnement) de façon illimitée, des disques de mon choix, me faisait l'impression d'avoir accédé nuitamment à un magasin de jouets façon open bar sans vigile, ou bien dans une confiserie, self-service à volonté.
Du temps du lycée, j'ai pu me goinfrer de tout ce qui me passait sous la main pourvu que ce soit disponible et pas réservé par un autre adhérent (source de quelques frustrations aiguës, accompagnées parfois de jurons et de mouvements d'humeur qui ne me faisaient pas honneur), à raison de deux à trois visites hebdomadaires, et muni de ma carte, je me lançais dans l'exploration de différents répertoires dont certains m'ont marqué jusqu'à aujourd'hui. Tout ce que je pouvais découvrir, je me jetais dessus, surtout si sur la pochette l'on voyait des chevelus-barbus-moustachus, si dans la liste des instruments utilisés il y avait flûte traversière et mellotron, et de préférence si cela avait été enregistré entre 1965 et 1975.
Le principe d'emprunter et non de posséder me posait question et me séduisait autant qu'il me frustrait, mais l'histoire me vit in fine acquérir lors des ventes-braderie de la médiathèque, quelques CD que j'avais par le passé emprunté un nombre incalculable de fois au point même que ceux-ci avaient gagné leur petit rond de serviette sur mes étagères. Et ceux-là devenaient ainsi légitimement et officiellement miens.
Quelle est votre expérience avec les bibliothèques et médiathèques municipales de par-chez vous, en fréquentez-vous toujours, quels sont vos usages, manies, rituels ? C'est un sujet qui me passionne, et je serais heureux de vous lire sur le sujet !
