Muswell a écrit:une insulte à l'intelligence
C'est là que je placerais le curseur, précisément. Quand tu sens qu'une chanson a été écrite en ayant pour première ambition de niveler vers le bas, comme pour énormément de "novelty songs", c'est quelque chose que je ne supporte pas. Par exemple, un truc comme "Papa Pingouin" (premier exemple, fort saugrenu j'en conviens, mais représentatif, qui me vient en tête) c'est une création que je ne calculerais même pas, tellement je trouve ça stupide, neu-neu, bas du front, débile, humiliant comme une rotation de serviettes de table entre deux plats lors d'un banquet de chasseurs du fin fond du nord-Sarthe. Aucun intérêt pour moi. Comme pour le cinéma, la littérature, la presse, etc, cela peut être simple dans le propos, le fond ou la forme, le seul truc que je ne supporte pas, c'est d'être pris pour un con.
Mais le populaire c'est un domaine intéressant. Il faut juste que "populaire" ne signifie pas "vulgaire". Populaire, c'est quand les gens l'apprécient et par conséquent l'achètent. Ce qui n'implique aucun critère de qualité a priori. Et je suis toujours bluffé par des choses qui me semblent être de qualité et qui ont connu un succès commercial conséquent, exemple la chanson "Les Mots Bleus" de Christophe, parmi quelques autres de ses créations. Le fait qu'elle soit populaire, donc vastement répandue, implique qu'elle possède une grande variété de grilles de lectures, selon qui l'écoute, ce qu'il/elle voit ou entend dedans. Je pourrais expliquer que j'y trouve l'expression d'un romantisme à la sensibilité qui confine au naïf touchant, je pourrais parler des qualités de la ligne mélodique qui est un fil rouge que l'on retrouve dans l'album du même nom (l'intro de "Le Dernier des Bevilacqua", tandis que le dernier morceau, "Souvenirs", reprend la mélodie du refrain des "Paradis Perdus" de l'album précédent, continuité conceptuelle, tout çââââ), tandis que mon ex-belle-mère, digne spécimen de ce que l'on désigne couramment comme la proverbiale ménagère, quoiqu'âgée de plus de cinquante ans, et dont j'observais toujours avec attention les points de vue pour savoir ce que pensait le français moyen sur tel ou tel sujet de politique, d'actualité, fait de société ou phénomène de mode, etc, connaîtra elle aussi cette chanson par coeur et la réécoutera avec un autre plaisir, mais tout aussi estimable, sur des stations de radio que mon tuner ne visite jamais.
La dimension inavouable, c'est donc forcément au-regard des critères et des normes établies par les autres (c'est-à-dire
l'enfer, disait le julot de la De Beauvoir). Avec tout ce que ce subjectivisme implique, et le peu d'importance que ça revêt, je me dis donc qu'on ferait bien de s'avouer nos penchants pour des choses potentiellement inavouables, par exemple, je sais que la moitié de ma collection de disques relève de l'inavouable (rock progressif symphonique à moustache, pop bébète, jazz-rock dit "de mauvais goût", intégralité ou peu s'en faut de la discographie des Beach Boys et oeuvres dérivées, etc) et du honteux auprès de la caste prestigieuse des ayatollahs du bon goût rock & roll, les mêmes qui s'extasieront pourtant sur l'autre moitié de ma discothèque (garage, freakbeat, rythm & blues, références pointues et petites raretés).
Et la classe, c'est donc de se faire un petit bootleg de Terry Riley enregistré live au Suny Buffalo de New York le 22 mars 1968, puis s'écouter une compile des premiers singles des Charlots ("Berry Blues, "Paulette La Reine des Paupiettes", "Je Suis Trop Beau", "Albert Le Contractuel", etc) puis retourner aux Stooges de "Funhouse".
