Attention œuvre chef - de bout en bout !
On sait que Soft Machine s'est constamment renouvelé, avec des périodes très contrastées. Si je suis inconditionnel des deux premiers albums, radicalement psyché et très progressifs (sans le fourbi symphonique à venir), le Third est un jalon dans la musique anglaise de l'époque et un des meilleurs albums de 1970. On sent que Miles a tourné les esprits vers autre chose que la pop acidulée et le blues version british.
Alors et ce Fourth ? D'abord jusqu'à l'année passée je ne possédais qu'une version CD - édition fin des années 80 - pas top mais assez correct pour passer dans la platine très régulièrement (mon édition vinyle CBS ne m'avait jamais été rendue après un prêt trop confiant). Et puis l'été dernier je passe à Toulouse et dans une petite boutique le gars avait mis un exemplaire de l'édition sur Barclay, pochette gaufrée, que j'en ai cru à une copie pirate tellement disque et pochette semblaient sortir de l'usine. 20 euros mais oh joie, ce disque avait été tellement attendu que sans délai, hop, dans la poche à disques. Je suis reparti aussi avec un Gilgamesh et un Braxton.
Et ensuite écoute solennelle, et paf, la baffe magistrale - d'abord le son de la basse de Hooper avait enfin toute son ampleur, écrasée qu'elle était sur le CD. Bon disons le une fois pour toute, ce disque me suivra au cimetière, ou au moins sur une île déserte, au pire restera précieusement chez moi à subir écoute sur écoute.
Wyatt n'y chante pas mais son boulot à la batterie est d'une finesse héroïque, Hopper est d'une classe magnifique - pourtant parfois doublé de la contrebasse de Roy Babington. Ce gars était de plus un compositeur prolifique et inspiré - toute la face 2 qui se décline en 4 parties lui est due. Elton Dean y prend des soli ébouriffants et d'une splendeur qui fait décoller du sol. D'autres souffleurs sont là et ça s'entend.
Ils s'étaient tournés vers une musique qu'on conviendra être du jazz mais c'est tellement plus. Juste de la musique qui si on tend les esgourdes va peut-être vous transporter bien loin, bien haut. L’atterrissage en est même difficile à supporter. A sa sortie ils avaient du perdre une partie de leur public, évidemment. Mais bon les persévérants auront été récompensés. La preuve en 2017, quelques uns le posent précieusement sur la platine et tout devient soudainement moins fade et plus lumineux. On conviendra qu'en ces temps troublés, c'est toujours ça de pris.