gillesmon a écrit:Dîtes moi les spécialistes, le 1er titre prog, ça ne serait pas good vibrations ?
Et bien justement, puisque l'on en parle, je ne suis pas loin de penser que les ambitions progressistes de la pop music se révèlent précisément à ce moment et à cet endroit-là. "Good Vibrations", OK c'est vu et revu, c'est ce que l'on appelle un saucisson tellement cela a été battu et rebattu, d'accord c'est associé à d'autres courants (pop, sunshine pop, baroque, etc) bien antérieurs à ce que l'on considère comme les premiers manifestes déclarés du genre, d'accord les Beach Boys c'est aussi beaucoup de productions bêtifiantes et à la portée plus anodine, il n'empêche que dans la construction de ce titre, il y a en germe et ce dès 1966, tout ce qui constituerait la plupart du cahier des charges d'un certain rock progressif. Une suite musicale composée de fragments agencés dans une démarche de recherche, la création d'ambiances, un développement cohérent, l'utilisation d'instruments hétéroclites, un texte introspectif, et une certaine ambition conceptuelle doublée d'un certain culot qui vise clairement à tirer les choses vers le haut. C'est le même commentaire que l'on peut faire au sujet de "Pet Sounds", sorti quelque temps auparavant, et qui développe un peu la même démarche mais sur le format d'un album entier. Là, on trouve un album qui n'est plus un simple assemblage de chansons hétéroclites, avec quelques titres-locomotives (souvent des singles à succès repris histoire de booster le potentiel commercial de l'album), quelques créations et aussi souvent du
filler... Chaque chanson semble s'intégrer à un ensemble pensé et construit dans un souci de cohérence. Malgré que ça ne se vérifie pas totalement avec "Pet Sounds" (il y a une cover, "Sloop John B", quoiqu'il s'agisse ici d'une re-création totale d'une simple folk song, transformée en petite épopée, et un thème, le morceau-titre "Pet Sounds", créé et enregistré antérieurement), on est dans une préfiguration des ambitions qui mèneront à d'autres explorations ("Forever Changes", "Odessey & Oracle", "Sgt Pepper's", "Mister Fantasy", "SF Sorrow", "Tommy", etc, et bien entendu "Smile" des mêmes Beach Boys, à supposer qu'il soit sorti alors, et en tous cas tel qu'on le connait aujourd'hui reconstitué) où pour la première fois (et pour le meilleur comme pour le pire hélas), cette musique se prend au sérieux. L'on commence à parler d'album-concept, "Good Vibrations" est pensé et décrit par son auteur comme une "symphonie de poche" qui annonce les opéras-rock : il ne s'agit donc plus d'une musique adolescente, de prêt-à-danser, de consommable jetable, mais d'une vraie musique de recherche, expérimentale.
Après, et les plus pointilleux des exégètes s'en jettent de vilains mots d'oiseau à la figure, cette démarche progressiste que je ferais démarrer à "Pet Sounds" trouve son origine plus tôt, dans l'album "Rubber Soul" des Beatles, qui porte les mêmes caractéristiques et qui aura justement été l'élément déclencheur de l'inspiration de Brian Wilson. Merde, les Beatles, encore eux !...