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Comme un certain Bowie avec qui on le comparera sans cesse par la suite, il ne se laisse pas décourager par ces débuts difficiles ; au contraire, il décide très vite de se réinventer intégralement. Pour l’occasion, il adopte le pseudonyme de Jobriath et crée de toutes pièces le personnage qui va avec. Au programme : des kilos de maquillage et de fanfreluches, mais surtout des ballades crève-cœur au piano, sans doute inspirées par ses activités extra-scolaires dans le milieu de la prostitution. De quoi taper dans l’œil de Jerry Brandt, l’homme qui fit connaître Carly Simon.
Complètement fasciné par ce personnage, Jerry Brandt voit en Jobriath un génie tombé du ciel, venu sur terre pour mieux bouleverser les codes, les genres et la musique. Plutôt adepte des déclarations grandiloquentes, le manager déclarera à Rolling Stone que «Jobriath est un tel personnage qu’il mérite d’avoir le meilleur manager du monde. Je suis cet homme-là. Je vends du sexe et du professionnalisme.» Tout est dit. A tel point que les rumeurs entre le manager et la star en devenir vont bon train.

Jerrry Brandt fait alors enregistrer à son poulain un album s'intitulant tout simplement Jobriath, et pour lequel il ne lésine pas sur les moyens. Souhaitant les meilleures conditions possibles d'enregistrement, il ira même jusqu'à engager pour l’occasion Eddie Kramer, le producteur de Jimi Hendrix et de Led Zeppelin. Lorsque l'album sort en 1971, il enfonce le clou en mettant le paquet en termes de promo : les rues de Los Angeles sont recouvertes de panneaux géants, entres autres affiches surdimensionnées à l'effigie de la jeune idole. Les cercles arty californiens s'enthousiasment immédiatement devant ce personnage hybride, hors-norme et queer. Et Jobriath ne manque pas de briller sur papier glacé, envahissant aussi bien les pages de Vogue que celles de Penthouse. Mais alors qu'au même moment en Angleterre, David Bowie triomphe en propulsant sur le devant de la scène son alter ego glam' Ziggy Stardust, réussissant à la fois à fasciner et à déranger la quasi-totalité des sujets de Sa Majesté, l’Amérique du républicain Nixon se révèle bien plus puritaine et collet-monté que le Vieux Continent. En d’autres termes, Jobriath n'est pas en phase avec son pays : incompris du public, il est même conspué.
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Sa musique se trouve ainsi rapidement relayée au second plan, le public ne retenant de lui que son jeu scénique outrancier et ses costumes provoquants. Ce qui n'est pas lui faire justice, dans la mesure où son premier album solo (Jobriath, donc) regorge de pépites glam rock rappellant les meilleurs des héros du genre, tels le précédemment cité David Bowie ou encore le frontman de T. Rex, Marc Bolan.
Les critiques sont violentes, ses apparitions télévisées où il met l’emphase sur son côté ultra efféminé choquent l'audience. On le trouve trop gay, trop folle, trop dénudé, bref, too much - et il en paiera le prix fort. La presse qui le portait aux nues quelques mois plus tôt se déchaine soudain contre lui, en conséquence de quoi, naturellement, les ventes ne suivent pas. L’album fait un flop. Déployant l'énergie du désespoir, il sort dans la foulée un second album, Creatures Of The Street. Comme on pouvait s'y attendre, ce disque mis sur le marché à peine six mois après le précédent ne rencontre pas non plus le succès escompté : c'est à nouveau un four. Jobriath et son mégalo de manager/amant doivent très vite revoir à la baisse leurs ambitions totalement délirantes, et le projet (insensé pour l'époque) de se produire à l’Opéra Garnier est rapidement abandonné.
En 1975, deux ans à peine après la sortie de son premier album, il décide d’arrêter la musique pour mieux replonger dans la drogue, l’alcool et la prostitution occasionnelle au sein de l’établissement numéro un dédié à ce genre d’activités parmi les stars, le Chelsea Hotel de New-York. Après des années d’errance et de solitude, il est abandonné coup sur coup par Jerry Brandt et par sa maison de disques. il meurt du sida en 1983. ( source : Sarah Dahan.)
