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Ca faisait une bout d'temps que je fantasmais sur l'idée folle d'écouter tous les albums de Bowie d'affilé en une journée.
Pourquoi Bowie et pas un autre artiste/groupe ? Non seulement il a une place spéciale pour moi mais j'me disais aussi qu'avec la diversité de ce qu'il a fait, c'était tout à fait écoutable en boucle sans que ce soit répétitif. La question sous-jascente : comment se comporte l'attention sur 18h ? L'idée a germé quand il m'en manquait encore 2 (le premier et Tonight)...je les ai enfin découvert et reçu il y a quelques temps. J'ai donc programmé cette journée en calculant "mmmm j'ai pas envie d'écouter Reality à faible volume à cause des voisins alors faut que j'commence à...*gloups* 5h pour être sûr"...
J'ai fait cette journée hier.
Alors comment se comporte l'attention sur 18h ? Et bien, résultats surprenants, parfois elle lâche dans des moments censés être climax (j'étais "absent" pendant mon "station to station" sacré) et parfois, même si je connais le pack par coeur, tout y est pourtant : l'intense tristesse pendant le "i'm deranged" de Outside, frissons intégrals sur "everyone says Hi", hanches groovantes en rythme sur "the secret life of arabia", pose de gay sur "fashion"...
Démarrer cette aventure avec Bowie qui chante "strikes the bell for 5 o'clock" du Uncle Arhtur à 5h ça n'a pas de prix...le seul truc emmerdant, c'est de pas pouvoir mettre fort à cause des voisins pendant Ziggy stardust qui arrive...à 8h30, merde -_-
La période glam se déroule, les heures avancent. C'est mortel, la journée est hyper longue pour moi, j'suis dans une autre réalité, c'est comme si mon corps était à 21h...alors qu'il est 14h40, il reste toute la journée <8') Je mange. Ah, Bowie va en amérique héhé... Là, il est complètement sous cocaïne, il fait des déclarations fascistes...ma période preférée, le froid Thin white duke. L'arrivé de Low surprend tout d'suite par son son gonflé, bravo Brian... Je m'amuse des parallèles dans sa carrière, "major tom ici magnifié, plus tard junkie" et j'en découvre un autre : le "zane zane zane ouvre le chien" du Buddha était déjà dans "the man who sold the world" j'savais pas ! La définition d'une oeuvre globale charismatique.
Pic de volume sur la dernière montée de "teenage wildlife", sur l'intensité sexuelle de "criminal world", sur l'hédonisme de "time will crawl", sur la prophétie de "pallas athena" et sur la transe rave de "hallo spaceboy".
Merde, Hours...bon, quand faut y aller, faut y aller, c'est parti...48 minutes en plus, fuck. Wao j'avais jamais remarqué comme il chante "mal" à la fin de "something in the air" o_o Tout fatigué, tout usé...m'en fous, Hours repose après les décharges des 2 derniers albums. C'est sa seule fonction et c'est cool. Sunday, le temps s'arrête. Climat post-industriel, quel chef d'oeuvre. Alors qu'il articule ses désenchantés "everything has changed" avec le regard dans l'vide, je réalise que c'est l'même mec nasillard frétillant à 6h du mat' ce matin...tournis.
Je réalise que depuis 21h, je fais plus qu'écouter les albums : je visualise une vie, la sienne, je l'ai devant moi, spectateur, c'est comme si je pouvais dire au petit blondinet de 5h30 du mat' qui chantonnait un little bombardier aux paroles culottées "regarde ce que tu vas devenir...écoute ! Tu vas avoir une vie tellement puissante que tu seras capable d'écrire un truc atomique comme "everyone says Hi", t'as vu !"
Reality. Ca y est, nous y sommes. Le marathon de cette vie artistique va prendre fin, je baisse les lumières comme une fermeture de rideaux, retour à la pénombre rougeoyante durant "space oddity". Je décapsule une bière au début de "bring me the disco king" comme pour célébrer, Bowie va me dire au revoir dans 7 minutes sur du jazz, j'avale une goulée. Les dernières frappent de batterie s'éteignent...voilà c'est fini. Coup d'oeil à l'heure : 23h22. J'ai écouté 25 albums, j'ai mangé 7 fois, j'me suis pas ennuyé une seule fois. Dans le silence, avant de me coucher, une pensée inspirée par cette journée : "puisse la force et la chance m'accompagner durant ce qu'il me reste de vie pour pouvoir atteindre la cheville de ce qu'il a fait durant la sienne".
J'avais démarré cette aventure avec Bowie tout jeunot qui chantait "strikes the bell for 5 o'clock" à 5h, ça n'avait pas de prix...il est 23h30, je termine ma bière, je suis fatigué mais de se sentir recentré par un retour à l'essentiel, ça aussi, ça n'a pas de prix.
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